vendredi 5 septembre 2008

La maison aux serpents




J'avais déjà donc rencontré Patrice Faye précédemment, je pensais cette fois ci faire un tour dans le pays avec lui , mais l'homme était trop occupé. Dans le Nord j'avais déjà quasiment tout vu de ce qu'il y avait à voir , enfin c'est ce je pensais ... Patrice s'occupe du Musée vivant de Bujumbura qui contient une collection intéressante de serpents . Pour cela il a un chasseur chez qui il se ravitaille en divers reptiles, c'est à ce sujet qu'un soir il m'appelle .
"ALLÔ, ouais ça va ? Tu es toujours à Kirundo ?" me dit il avec sa charmante voix ! Oui je dis !
"J'ai eu des nouvelles de mon chasseur de serpent, il parait qu'il est mort, il s'est fait mordre! Est ce que tu pourrais t'y rendre et savoir comment et avec quel serpent?" Pas de problème mon ami au contraire !
Sur ce le lendemain je récupère Alexis-chauffeur et la voiture, et roule jusqu'à la frontière avec le Rwanda. Là j'en profite pour prendre qqs infos pour les formalités en vue d'aller prochainement au pays des Milles Collines. Je demande aussi à propos de la fameuse "Maison aux serpents" comme tout le monde la nomme ici !
Il faut prendre la piste sur la droite du poste de douane et longer le lac Rweru. Alexis me dit qu'il a trouver un ami qui sait à peu près où se trouve cette maison! L'ami en question -(c'est dingue comme ils connaissent d'un bout à l'autre du pays, le pays est petit mais qd meme)- est aussi un douanier, même âge qu'Alexis environ, fringué mode Rap . Il vient de terminer son service et est disposé à nous accompagner. Pas de problème en voiture, Alexis me dit que: "lui il est éduqué , il est d'une grande famille"..."Ah" que je réponds... je suppose que ça veut dire qu'on peut faire confiance !
Voilà , après cet arrêt plutôt sympathique d'ailleurs à la douane, on redémarre... direction "la maison aux serpents" . la piste n'est pas en trop bon état mais ça va encore . Le coin comme partout au Burundi est peuplé , le long de la route il y a ces maisons rouges et les gens qui nous regardent passer en faisant des signes de "houhou!" Le douanier me dit: "Ici ce sont des gens pauvres, des Twas". Et moi de lui demander à quoi il voit que ce sont des Twas (on dit que ce sont les descendants des Pygmées et les 1ers habitants de la région)... par curiosité de savoir comment ces Twas sont perçus par les autres ..."Bien ils ne vivent pas comme nous, ils ne travaillent pas et sont fainéants. Ils chassent et cueillent. Et puis ils ont des moeurs différentes , ils se mettent en couple très jeunes et ne se marient pas mais souvent ce sont des cas de consanguinité" ....Bon il faudra que je demande ce qu'il en pense de tout ça, Patrice , le défenseur des Twas .
La région est très belle et la vue sur le Lac magnifique! Ce pourrait être intéressant d'y aller faire un tour en pirogue . Il y a de petits îlots et des "radeaux" naturels de papyrus qui se détachent des berges et qui dérivent au gré du courant.
Arrivés à moitié du chemin , on s'arrête au niveau de la place d'un petit village. C'est jour de marché , il y a du monde et de suite une flopée d'enfants entoure la voiture , suivie presque aussitôt par des adultes aussi . Le douanier demande en kirundi où se trouve la "maison aux serpents". Les gens semblent ravis de voir une muzungu, (poignées de mains), visiter le coin et se concertent tous ensemble pour indiquer l'endroit. Un adulte désigne un adolescent pour nous montrer le lieu précis et la maison. Ce n'est pas que c'est loin ni si compliqué , mais en fait toutes les maisons ont tendance à se ressembler et le décor aussi !! Et hop un de plus dans la voiture . A peine fait 1 ou 2 kilomètres, le jeune du village nous dit de garer la voiture sur le bas côté de la route . Alexis dit qu'il va rester garder le véhicule, mais le jeune répond "pas la peine ici " , de toute façon des enfants déjà là vont s'en charger !
Il faut continuer la route à pied , en passant sur un petit sentier à travers les cultures de haricots et des cours des maisons. Nous sommes suivis par une flopée d'enfants qui gambadent autour de nous joyeusement . On aperçoit "la maison aux serpents" qui se trouvent à environ 500 mètres en contrebas de la route , au dessus du lac.

Bien sûr on nous a vus et toute la famille observe ce qui arrive là, se demandant sans doute ce que l'on vient faire chez eux.

Nous faisons les salutations, et je fais dire par le douanier que je viens de la part de Patrice qui a apprit la mort de son ami mais qu'il ne peut quitter Bujumbura pour l'instant, et je présente les condoléances.

La femme présente fièrement son fils d'environ 14 ans en disant que c'est à lui qu'il faut s'adresser, car c'est lui qui chassait les serpents avec son père.

Le douanier traduit:" Patrice voudrait savoir comment ton père s'est fait mordre et par quel serpent?"

On nous emmène alors dans la cour à l'arrière de la maison. Celle ci est simple comme la majorité de ces petites maisons en terre rouge avec un toit en chaume de la région. Le fils s'en va et revient aussitôt avec une de ces cruches en terre que fabriquent les Twas.

La femme porte dans ses bras la petite dernière d'à peine 1 an qui saisit en écartant le pagne de sa maman, un coup le sein gauche, un coup le sein droit...c'est l'enfant qui décide et qui mange à sa faim. Elle nous apprend que son mari est mort depuis déjà 3 semaines, alors que nous pensions que cela ne faisait seulement que quelques jours...

Le fils nous dit que son père s'est fait mordre par un cobra en le manipulant, et par deux fois même au bras, que tout cela s'est passé très vite! Tout en disant cela, il se penche au-dessus de la cruche et commence à ôter la corde qui maintient le couvercle en peau...Là je dis:" c'est quoi là dedans?" Evidemment le douanier traduit toujours, et le fils a à peine le temps de répondre "oui", que le douanier a déjà fait un bond de deux mètres en arrière! Ils ont gardé le cobra tueur! Moi je dis au fils que c'est bon , ce n'est pas la peine de sortir le serpent pour nous, on va pas risquer un autre accident ! Surtout que la mère ajoute prenant et montrant la main droite de son fils: "lui aussi s'est déjà fait mordre et son père avait dû lui couper le doigt"! En effet il lui manque l'annulaire et à les entendre parler ainsi cela semble logique, soit... mais presque banal aussi...

La femme dit:"on a donner les plantes à mon mari pour le soigner, mais 3 jours après il est mort. j'ai jeté tous les serpents après ça, mais celui là on le garde pour Patrice, il faudra lui dire."

Son fils ajoute, avec un air triste, mais fièrement: "Je vais continuer le métier pour Partice parce que c'est ce que mon père m'a appris." Et son jeune frère lui tapote le dos, pendant que le jeune chasseur contient son chagrin...L'instant est touchant.

Cette famille vit de la terre, de la pêche au lac et des serpents. Ce sont eux aussi qui préparent les antidotes pour soigner les morsures chez les gens. Dans la région il y a beaucoup de serpents de différentes espèces...

Le moment arrive ensuite où nous devons partir. Je dis que Patrice viendra les voir dès qu'il le pourra et je donne quand même à la maman un petit quelque chose pour ses enfants, elle en a cinq.

Nous nous en allons en repassant à travers les champs et les maisons, toujours suivis par la troupe d'enfants encore plus nombreux qu'à notre arrivée!

Dans la voiture, nous faisons une halte pour regarder le Lac... Des enfants sont déjà au niveau de ma fenêtre, et quand je vise le lac avec ma paire de jumelles , les voilà qui détalent brusquement comme des lapins visiblement effrayés par ce drôle d'objet apparemment inconnu pour eux !Zut!

Puis nous déposons notre "guide" à son village et chemin faisant nous discutons tous les trois...nous sommes quand même impressionnés par la rencontre avec cette famille de chasseurs de serpents!

Le douanier dit alors: "Mais qu'est ce qu'il fait Patrice avec les serpents?" (C'est la grande interrogation, surtout qu'on raconte qu'il se promène avec des serpents dans sa voiture!)

Je lui explique que c'est un passionné et qu'il a monté une collection au Musée Vivant de Bujumbura pour les montrer aux visiteurs.

Il me répond: "Ah d'accord! Parce que chez cette famille là...on dirait qu'il y a la sorcellerie non?"

Alexis aussi se demande ...

Je réponds: "possible"...et d'ajouter que: "s'il y a de l'offre c'est qu'il y a de la demande, non?"

Aucune réponse ... (je n'en espérais pas vraiment)

Bien après avoir salué et déposé le douanier près de son poste, sur la route, nous voyons ce fameux serpent noir écrasé comme on en voit presque ainsi tous les jours.
En voilà un qui ne fera plus de mal!